Histoire :
Je n’ai rien à envier à personne. Je suis issu d’une famille aisée, plutôt facile à vivre et une bonne harmonie. Non, rien à envier. Sauf peut-être ma date d’anniversaire. J’aurais tellement voulu être né un autre jour que le 29 février. Ma mère disait que j’étais unique, ainsi. Ou pas. C’est très frustrant de n’avoir son anniversaire, son vrai jour d’anniversaire, que tous les quatre ans. Certes, avec les années on s’y fait mais tout de même… Pourquoi a-t-il fallu que je naisse ce jour-là ? Mon père est un petit monsieur, un peu dégarni, à lunettes, juge d’instruction au palais de justice de Sydney. Il y mène une justice d’une main de fer dans un gant de velours. Il est juste et respecté de tous. Ma mère, quant à elle, est une vétérinaire un peu particulière. Elle soigne tous les animaux. Tous, sans exception. De la plus petite araignée à l’énorme autruche qui passe. Elle est capable de recueillir tous les animaux sous notre toit. Nous avons donc quatre chats, deux énormes chiens, un tout petit, deux chevaux, une chèvre et une vache. Je suis le dernier d’une fratrie de trois. Mon grand-frère, Marlon, est en réalité notre demi-frère à ma sœur et moi. Lorsque mon père a rencontré ma mère, elle avait déjà un petit garçon de cinq ans et l’a tout de suite adopté. Le père de Marlon s’est tiré lorsque ma mère était enceinte de lui, et je crois que mon frère en a toujours souffert même s’il considère mon père comme le sien, il a, je crois, toujours eu un manque face à ça. Ma grande-sœur est arrivée cinq ans après la rencontre de mes parents. Juliet était une petite brunette avec des lunettes, toujours souriante. Elle est devenue une cavalière hors pair. C’est elle qui m’a appris à monter à cheval alors que j’avais quatre ans. Nous avons cinq ans d’écart, elle et moi. J’ai vécu une enfance plutôt heureuse, entre mes parents et ma sœur. L’année de mes huit ans, mon frère est parti à l’armée. Je n’avais pas beaucoup de relation avec lui, nous avions trop d’écart mais cela m’a fait étrange de le voir partir. J’ai senti un vide en moi, impossible à expliquer, ou si. Mon frère me manquait. J’ai commencé par lui écrire une lettre par semaine, pour lui parler de tout et de rien, et je crois que c’est ce qui nous a rapproché lui et moi. Il est devenu mon confident.

J’ai vécu la moitié de ma scolarité à la ramasse. Turbulent et hyperactif, je détestais l’école. J’ai toujours été assez solitaire, et je n’allais pas beaucoup vers les autres, surtout les enfants de mon âge que je trouvais très bêtes. Et puis un jour, mon instituteur Mr David Jackson m’a écouté et m’a fait changer de classe. Je me suis retrouvé avec des enfants de trois ans de plus que moi, et étrangement, je suis devenu excellent élève, m’ouvrant un peu plus aux personnes qui m’entouraient. Petit génie comme mon père aimait m’appeler, voilà ce que j’étais avec mon QI bien supérieur à la moyenne. Je passais mes journées, lorsque je n’étais pas à l’école, à l’observatoire de Sydney. J’aime l’espace, les planètes, les étoiles, les trous noirs et je voulais devenir astronaute. J’ai tout fait pour y arriver. Après mon bac, à l’âge de 15 ans, je suis entré à la faculté. Là, les difficultés ont commencé. Trop jeune pour me retrouver dans cet univers, j’ai commencé à déconner. Trop. Je me souviendrais toute ma vie, le jour où mes parents ont dû venir me chercher chez les flics à trois heures du matin car j’étais entré en douce dans l’Arsenal de Sydney. Les militaires n’ont pas bien apprécié mon escapade dans leur sous-marin, j’ai eu beau hurler que mon frère était Capitaine ils n’ont rien voulu savoir. J’ai quand même continué mes études d’astrophysicien mais un petit imprévu a tout envoyé valser. Mes rêves, mes ambitions, tout. Un soir où je rentrais d’une soirée un peu trop arrosé avec mes amis, je me suis fait agresser par un homme qui m’a mordu la jugulaire. Je me suis senti partir, le froid s’était emparé de moi, j’ai tremblé… de trouille. Ma tête s’était mise à tourner, je n’entendais plus rien, j’avais l’impression que mon âme s’échappait de mon corps. J’assistais à la scène d’en haut, impuissant à ce qu’il se passait sous mes yeux. Impossible de lutter, l’homme était bien trop fort pour moi. J’ai cessé de vivre ce jour-là. J’aurais voulu que tout s’arrête, totalement. Ne jamais rouvrir les yeux. J’aurais voulu mourir ce soir-là dans cette ruelle. Juste mourir. Le noir complet s’était emparé de moi juste avant que je ne perde connaissance, avec une seule pensée en tête mes parents qui ne me reverraient pas.

J’ai ouvert brusquement les yeux. Le froid glacial s’était engouffré dans mon blouson et une douleur intense au niveau de mon cou s’était emparée de moi. Il y avait du sang au sol, et un homme m’observait étrangement. « Je m’appelle Mérédith Sinclair. » Sur le coup, je n’en avais rien à foutre. Je m’étais relevé d’un seul bond et je lui ai sauté dessus. Il m’avait mordu. Il m’avait mis dans cet état. Mais je n’ai pu faire aucun geste que j’étais plaqué au mur par une seule de ses mains. « Je ne te conseille pas d’aller plus loin. Je suis un vampire, ton créateur et tu ne peux rien contre moi. Bois. » J’ai voulu refuser mais sans comprendre trop comment un goût de fer glissait au travers de mes lèvres. Du sang. J’ai tout recraché mais le mal était fait. Ma transformation en vampire était terminée. Je hais mon créateur. Je le hais comme jamais j’ai haï quelqu’un. Et puis j’ai eu peur. Très peur. J’ai couru jusqu’à la caserne de mon frère. Le seul à qui je pouvais me confier. Nous avons beaucoup parlé cette nuit-là. Je suis resté habiter chez lui, paniqué à l’idée de revoir mes parents. Ils ne comprendraient pas. Je ne comprend pas moi-même. J’ai mis du temps avant de sortir. Beaucoup de temps. Un an, cloitré chez mon frère a refusé tout contact avec les autres. Mon frère me donnait de son sang pour que je survive. Et puis un jour, un de ses amis est venu chez lui. Sacha Parker. J’en suis tombé amoureux. Bien sûr c’est impossible, je suis un vampire, c’est un humain je ne peux pas être avec lui. Pourtant, je l’ai revu. Une fois, deux fois. Dix fois. J’ai fini par lui avouer ce que j’étais. J’ai cru qu’il partirait en courant, mais rien. Il est resté et m’a proposé quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas. Il est devenu mon Calice et mon mec le même soir. Je ne sais même pas comment le remercier de ce qu’il a fait pour moi. J’ai repris des études d’archéologie. J’avais envie, et Sacha aussi, de partir à l’autre bout du monde voir de nouveaux horizons. Nous sommes partis en Egypte, où j’ai passé ma thèse. Sacha, lui, a trouvé un boulot d’agent de sécurité dans le Musée du Caire. Nous y sommes restés cinq ans. Cinq ans à ne se préoccuper que de nous. Et puis, nous avons décidé de revenir en Australie. L’armée lui manquait, et je dois l’admettre ma famille me manquait aussi. Nous sommes donc rentrés à Sydney six ans après en être partis. C’est Marlon que j’ai revu en premier. J’ai mis beaucoup de temps pour revoir mes parents, j’avais honte de ce que j’étais et je ne voulais pas qu’ils me voient ainsi.

Aujourd’hui, je travaille en tant qu’archéologue au Musée d’Histoires Naturelles de Sydney, je passe tout mon temps libre - la nuit, à l’observatoire où j’ai repris ma thèse d’astrophysique. J’aimerais partir dans l’espace. Au moins là-bas je ne ferais de mal à personne. En ce moment, c’est compliqué avec Sacha, je pense que ma condition lui pèse. Et puis, j’ai de plus en plus envie de sang chaque jour, ça le fatigue de devoir m’en donner. Je devrais peut-être changer de Calice pour qu’il ait une charge moins lourde à porter. Et puis, avec les chasseurs d’êtres surnaturels, je dois l’admettre j’ai peur pour lui. Je ne voudrais pas le voir en danger.